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Un atterrissage délicat
Michel ne maîtrise pas l’art de parvenir à un consensus dans les réunions. L’ancien premier ministre belge semble préférer s’entourer de sa propre équipe plutôt que de concilier des positions opposées. Son approche montre les limites du poste de président du Conseil, créé en 2009 dans le cadre des réformes du traité de Lisbonne. Le président en exercice – il y en a eu trois – est censé être un ancien premier ministre avec lequel les dirigeants actuels peuvent communiquer d’égal à égal. Mais son travail consiste principalement à trouver un consensus, et non à être à la tête du peloton.
Il s’agit donc d’une position délicate pour quelqu’un comme M. Michel, qui, à 47 ans, a des décennies de carrière devant lui. Son prédécesseur immédiat, Donald Tusk, était un politicien polonais chevronné qui cherchait à rallier l’UE autour de préoccupations sécuritaires, et n’insistait donc pas pour mettre son empreinte personnelle sur les questions économiques qui sont le pain et le beurre de l’Union. Michel, quant à lui, avait l’habitude d’être en minorité et d’être le meilleur de sa classe. Il a dirigé le seul parti francophone dans les deux gouvernements de coalition entre 2014 et 2019, qui lui ont donné le poste de premier ministre parce que c’était plus facile que de choisir une faction dirigeante parmi les contingents de la majorité flamande.
Un autre membre belge du Conseil européen, Herman Van Rompuy, l’a fait au terme d’une longue carrière consacrée à la recherche de consensus dans des circonstances défavorables. M. Van Rompuy a été premier ministre belge de décembre 2008 à novembre 2009, à la tête d’une coalition de cinq partis formée dans un contexte de graves tensions internes. Lorsqu’il est devenu le premier membre du Conseil européen, il a fait preuve d’ingéniosité dans les négociations et d’un engagement en faveur du fédéralisme européen. Pendant la crise de la dette souveraine de l’euro, la capacité de M. Van Rompuy à organiser des sommets de plusieurs jours ou d’une nuit, ainsi que de petites réunions avec des responsables politiques de premier plan, a aidé l’UE à trouver le courage dont elle avait besoin pour surmonter cette crise.
Jouer avec la foule
Ce type de travail d’équipe brille aujourd’hui par son absence. Au lieu de prolonger les réunions pour avoir plus de temps pour trouver des solutions, les dirigeants syndicaux sont désormais plus enclins à rentrer chez eux plus tôt parce qu’ils ne voient pas l’intérêt de rester, et les conclusions deviennent de plus en plus vagues et fastidieuses. Alors que M. Michel est à la recherche d’un hameçon politique auquel accrocher son propre chapeau, M. von der Leyen agit pour la foule et pas nécessairement pour les collègues dont il a besoin pour exercer ses fonctions. Sa gestion du programme de prêt conjoint de l’UE pendant la pandémie lui a valu les applaudissements des marchés financiers et des dirigeants mondiaux, mais pas ceux des membres conservateurs de son propre groupe politique. Il n’est donc pas certain que son pays lui apporte le soutien dont il a besoin pour un second mandat à la tête de la Commission. Dans ces conditions, l’abandon par l’Allemagne d’un poste crucial au sein de l’UE constituerait un échec politique majeur.
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